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poèsie amérindienne contemporaine
Les poètes indiens ont en commun le plus grand respect du pouvoir immense du Verbe, pouvoir capable de créer ou de détruire, de briser ou de guérir.
Joseph Bruchac( poète,écrivain,éditeur et militant indien)
La peur de Bo-Talee
Bo-talee chevaucha sans peine parmi ses ennemis, une fois, deux fois, trois-et quatre fois. Et tous ceux qui le virent s'étonnèrent car il était dépourvu de peur; ainsi sembla-t-il. Mais plus tard il dit: Bien sûr j'avais peur. J'avais peur de la crainte que je lisais dans les yeux de mes ennemis.
Chant des délices de Tsai-Talee
Je suis une plume dans la clarté du ciel
Je suis le cheval bleu qui court dans la plaine
Je suis le poisson qui tourne et brille dans l'eau
Je suis l'ombre que projette un enfant
Je suis la lumière du soir, l'éclat des prairies
Je suis un aigle qui joue avec le vent
Je suis un noeud de grains luisants
Je suis l'étoile la plus éloignée
Je suis le froid de l'aurore
Je suis le rugissement de la pluie
Je suis le scintillement de la croûte de neige
Je suis la longue trace de la lune sur le lac
Je suis une flamme de quatre couleurs
Je suis un champ de sumac et la pomme blanche
Je suis l'angle des oies sauvages dans le ciel d'hiver
Je suis la faim du loup
Je suis le rêve entier de ces choses
Vois-tu, je suis vivant, je suis vivant
J'ai bonne entente avec la terre
J'ai bonne entente avec les dieux
J'ai bonne entente avec tout ce qui est beau
J'ai bonne entente avec la fille de Tsen-tainte
Vois-tu je suis vivant, je suis vivant
N.Scott MOMADAY/tribu Kiowa
LES OIES SE DIRIGENT VERS LE NORD
AU-DESSUS DE MANKATO
Tout l'après-midi nous avons parlé de mots,
le gribouillage et l'empreinte de l'encre
sur le papier blanc.
A travers les fenêtres fermées
les rives du fleuve sont bleues,
leurs noms brillent de couleur
comme l'oeil d'un fermier.
Nous sortons, traversons le parking.
Un bruit nous fait lever les yeux
vers un ciel large et gris:
l'appel des oies.
Leur longue ligne de vol
la courbe d'une aile,
une flèche traversant l'orage
alors que leurs vieillards les mènent
par centaines
vers le souvenir des étangs de riz sauvage.
Une vaste lettre en dehors de tout mot
leur message traverse la page du ciel,
une signature aussi forte que celle des nuages
dépassant nos explications
un message de songes qui nous rappellent
que nous tournons et retournons
dans le vent une plume dans le ciel.
Joseph Bruchac (éditeur,écrivain,critique,conteur)
MON GRAND-PERE
ETAIT PHYSICIEN QUANTIQUE
*
Je le vois toujours
souriant
en grand Costume de danse
avec d'autres hommes
devant la maison communale
par un après-midi ensoleillé.
Les scientifiques ont enfin découvert
que I'intime de notre vie
est influencé par des choses
situées au-delà des étoiles
et du temps.
Cela mon grand-père le savait.
Duane Big Eagle (tribu Osage)
Lune d'ambre
"Tu ne ressemble pas à une indienne."
Je suis le tremble qui se souvient du feu
qui fit brûler mon coeur dans les légendes des hiboux.
Je suis les loups cendrés dont les yeux
révèlent le mystère de ma perte.
Je suis le poisson dont la nageoire de cristal chante
dans l'étang tissé de vignes.
Je suis le tambour de terre de la kiwa,
les sept village d'adobe qui entourent
le soleil comme un bouclier,
le chant fantôme de tous les cerfs poursuivis.
Je suis le faisan argenté
roulant la grande baie rouge au fond de ma gorge.
Je suis les flûtes de roseaux dont l'eau joue
dans ses rêves joyeux.
Je suis les étoiles qui piquent comme le cactus.
Je suis l'herbe qui remue mes plumes vertes.
Je ressemble à moi-même et à tous les êtres
que j'ai jamais été. Je suis les ailes des saisons
et le tintement de la terre. Je suis une demi-lune d'ambre,
mon esprit l'ancêtre de la lumière.
Pourquoi les pierres ne chantent pas d'elles-même
C'est le fondement de tout les autres chants.
Si tu presses une pierre bleue contre ton oreille,
tu entendras la rivière ancienne
qui l'a gardée comme son coeur,
le vent sec qui en a fait une langue,
et la terre qui lui a promis une bouche de feu.
Une pierre tachetée provient du rêve
de ce cheval blanc moucheté qui galopait.
La bande chante sa Cérémonie de l'Herbe
et leurs pierres-rêves s'envolent de leur sabots
Vers le ciel qu'ils éclaboussent.
Une pierre noire a l'âme de l'ours prise
pendant son dernier sommeil. Son chant enveloppe
la pierre, donnant l'illusion
qu'elle est entourée de fourrure.
Toutes les pierres jaunes gardent les secrets des Chouettes.
Toutes les pierres vertes sont l'haleine des plantes
qui chantent leur joie nocturne.
Une pierre rouge grande comme un poing est l'amour
d'un homme et d'une femme dont les corps chantent
sur l'herbe.
Une pierre grise est de nature lugubre.
C'est une parole du langage des morts.
Garde-la. Un jour tu comprendras.
Rêve des villes
Les animaux peignent sur les murs des cavernes
les oiseaux créent des ponts aériens
les arbres déracinent la musique sous la terre
les insectes célèbrent leur culte sur des autels d'air
l'eau tisse de larges châles dans les vallées
partout les gens sont heureux
partout ils tiennent entre leur mains les visages de leur bien-aimés
les animaux chantent afin d'être féconds
les oiseaux enseignent les retours
les arbres tiennent ferme pour l'engagement
et l'eau
l'eau
elle brise le mur de la matrice
et ouvre les yeux
Anita ENDREZZE (ancêtres Yaqui, Roumains, Italiens et Slovènes/Artiste,Ecologiste)
La question bien intentionnée
Vous voilà encore
me demandant
mon nom indien
et cette fois
je m'étais promis
de dire la vérité
de me tenir dure
et lisse
comme le madrone,
serrée comme le mesquite
pour vous répondre
mon nom indien s'élance
dans les flûtes du bois de pinyon
bouchées à un bout
par le goudron; mon nom indien
catapulte
comme des condors planant vers l'intérieur de la terre
par le pouvoir de la prière;
mon nom indien cogne
contre le dos
de femmes dures comme l'obsidienne
qui me fixent de ces yeux
que leur donna Coyote;
mon nom indien hurle
autour des chapeaux noirs
des hommes au sang pur
les vendredis soir où ils cherchent
la justice ou à son défaut
la plénitude;
mon nom indien guette
des pas
qui s'arrêtent devant ma porte
puis s'en vont pour toujours.
Wendy Rose (née en 1948/père Hopi, mère Miwok et blanche/Professeur à Berkeley/ethnologue et spécialiste des études indiennes)
certaines couleurs guérissent
d'autres
parlent de folie
Ma surface est un miroir
devant l'univers
et des causes justes
devenues sable
mais existant toujours
sentant la pluie, le soleil
et le vent
Nous devons toujours nous souvenir
nous sommes sacrés
nos messages
cachés derrière
des références et des symboles
Comme l'homme
nous sommes
éternelles mais aussi
vulnérables
Tauhindauli/Frank Lapena/Tribu Wintu-Nomtipom/peintre, photographe, sculpteur.Dirige l'institut des études Indiennes à l'université d'état de Californie où il est aussi professeur des beaux-arts)
Bien sur tu peut me poser une question personnelle
Bonjour, vous allez bien ?
Non, je ne suis pas Chinoise.
Non, pas Espagnole.
Non, je suis Peau rou... euh,...........
Indienne d'Amérique. *voir note en bas
Non, je ne viens pas d'Inde.
Non, pas Apache.
Non, pas Navajo.
Non, pas Sioux.
Non, nous ne sommes pas une race disparue.
Oui, Indien.
Oh ?
Alors, c'est donc ça ces pommettes saillantes.
Ton arrière-grand'mère, hein ?
Une princesse indienne, hein ?
Cheveux jusque là ?
Laisse-moi deviner, Cherokee ?
Ah bon, tu as eu un ami indien ?
Si intime que ça ?
Ah bon, tu as eu une amante indienne ?
Si étroite que ça ?
Ah bon, tu as eu une domestique indienne ?
Si chère que ça ?
Oui, c'est horrible ce que vous autres nous avez fait.
C'est chouette de ta part de faire des excuses.
Non, je ne sais pas où tu peut te procurer du peyotl.
Non, je ne sais pas où tu peut trouver des tapis Navajo très bon marché.
Non, je ne l'ai pas fait. Je l'ai acheté à Bloomingdales. **voir note en bas
Merci, j'admire tes cheveux à toi aussi.
Je ne sais pas si quelqu'un pourrait certifier
que Cher est une vraie Indienne.
Ouais. Bien sûr. La spiritualité.
Bien sûr. Ouais. La spiritualité. Bien sûr.
Mère Nature.
Ouais. Bien sûr. La spiritualité.
Non, je n'ai pas fait des études de tir à l'arc.
Ouais beaucoup d'entre nous boivent trop
D'autres n'arrivent pas à boire assez.
Non, c'est pas une gueule stoïque.
C'est mon visage.
Diane BURNS /Origine Ojibwa et Chemehuevi
Notes:
*Indienne d'Amérique: Dans l'original l'auteur est sur le point de dire "Américan Indian" comme disent les blancs, mais préfère "Native Américan" comme beaucoup dans le mouvement indien des Etats-unis, sans pour autant considérer le premier terme comme véritablement péjoratif
*Bloomingdales: Grand magasin populaire au U.S.A
PS: si vous connaissez bien les auteurs indiens contemporains ou pas en poésie ou autre, faites les moi connaitre s' il vous plaît! Leur Vision est si belle et vraie!
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
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