Le Grand Esprit est notre père, mais la terre est notre mère. Elle nous nourrit; ce que nous plantons dans le sol, elle nous le retourne, et c'est ainsi qu'elle nous donne les plantes qui guérissent. Quand nous sommes blessés, nous allons à notre mère et nous efforçons d'étendre la blessure contre elle pour la guérir. Les animaux font de même, ils couchent leur blessure sur la terre. Quand nous chassons, ce n'est pas l'arc, ni la flèche qui tue l'élan. C'est la nature qui le tue.
La flèche se plante dans son flanc et, comme tout être vivant, l'élan va à notre mère la terre pour être guéri. Il veut appliquer sa blessure contre la terre et fait ainsi pénétrer la flèche plus profondément. C'est alors que je le suis. Il n'est plus en vue mais je colle mon oreille à un arbre dans la forêt et j'entends le son de chacun de ses bonds et je le suis. L'élan s'arrête encore à cause de la douleur de la flèche et frotte son flanc contre la terre et fait pénétrer la flèche plus profondément. Je le suis toujours, écoutant de temps à autre, l'oreille contre un arbre. Chaque fois qu'il s'arrête pour se frotter, il fait pénétrer la flèche plus profondément. Il est presque épuisé quand je viens à lui: la flèche peut lui avoir transpercé complètement le corps...
Bedagi ou Big Thunder ( indien Wabanakis)
Nous étions un peuple sans lois, mais nous étions en très bons termes avec le grand esprit, créateur
et maître de toute chose. Vous présumiez que nous étions des sauvages. Vous ne compreniez pas nos
prières. Vous n'essayez pas de les comprendre. Lorsque nous chantions nos louanges au soleil, à la
lune ou au vent, vous nous traitiez d'idolâtres. Sans comprendre, vous nous avez condamnés comme des âmes perdues, simplement parce que notre religion était différente de la vôtre.
Nous voyons la main du Grand Esprit dans presque tout: le soleil, la lune, les arbres, le vent et
les montagnes, parfois nous l'approchions par leur intermédiaire. Était-ce si mal? Je pense que nous
croyons sincèrement en l'Être suprême; d'une foi plus forte que celle de bien des blancs qui nous ont
traités de païens...Les Indiens vivant près de la nature et du Maître de la nature ne vivent pas dans l'obscurité.
Saviez vous que les arbres parlent? Ils le font pourtant! Ils se parlent entre eux et ils vous
parleront si vous écoutez. L'ennui avec les Blancs, c'est qu'ils n'écoutent pas! Ils n'ont jamais
écouté les Indiens; aussi je suppose qu'ils n'écouteront pas les autres voix de la nature.
Pourtant les arbres m'ont beaucoup appris : tantôt sur le temps, tantôt sur les animaux, tantôt sur
le Grand Esprit.
Tatanga Mani ou Walking Buffalo (1871-1967)indien Stoney
Le carré et le cercle
Selon notre optique, le symbole indien est le cercle, la boucle. La nature veut la rondeur des choses. Les corps des humains et des animaux n'ont pas d'angle. En ce qui nous concerne, le cercle est le symbole des hommes et femmes rassemblés autour du feu de camp, parents et amis réunis en paix pendant que le calumet passe de main en main. Le camp dans lequel chaque tipi avait sa place forme aussi un cercle. Le tipi est un cercle où l'on s'assoit en cercle; toutes les familles du village sont également des cercles dans ce cercle, lui-même partie de la plus grande boucle que forment les sept feux de camp des Sioux, représentant la Nation Sioux. La nation est seulement une partie de l'univers, en lui-même circulaire et fait de la terre, qui est ronde, du soleil qui est rond, des étoiles qui sont rondes; et la lune, l'horizon, l'arc-en-ciel sont aussi des cercles insérés dans des cercles insérés dans des cercles, sans commencement ni fin.
A nos yeux, cela est beau et tout à fait approprié, symbole et réalité en même temps, expression de l'harmonie et de la nature. Notre cercle se répand, sans fin, éternellement; il est la vie émergeant de la mort, la vie qui apprivoise la mort.
Le symbole de l'homme blanc est le carré. Carré de sa maison, des buildings où sont ses bureaux, avec des murs de séparation. Partout des angles et des rectangles: la porte qui interdit l'entrée aux étrangers, le dollar en billet de banque, la prison. Le rectangle, ses angles, un carré. De même pour les gadgets de l'homme blanc_boîtes, boîtes, boites et encore des boîtes_téléviseurs, radios, machines à laver, ordinateurs automobiles. Toutes ces boîtes ont des coins, des angles abrupts_des arêtes dans le temps, le temps de l'homme blanc, ses rendez-vous, le temps de ses pendules, ses heures de pointe_c'est ce que les coins signifient à mes yeux. Vous êtes devenus les prisonniers de toutes ces boîtes.
Mais de plus en plus nombreux, certains jeunes Blancs veulent cesser d'être des cadres, des encadrés, des aplatis, et tentent de devenir ronds. Cela, c'est bien.
Tahca Ushte (Lame Deer)