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les élémentaux
1/ terre
Destins de galets
Le galet ne naquit point galet mais caillou
né caillou le galet roule ensuite sa bosse
infime devenu il poudroie sur la plage
à moins que décoré d'un petit bateau peint
ils se survive et dorme en pressant quelques pages
R.Queneau "fendre les flots"
Extrait de "philosophes taoïstes" vol II editions Pléïade:
Rien sous le ciel n'est plus souple et faible que l'eau.
Pourtant sa grandeur dépasse toute mesure et sa profondeur est insondable;
elle s'étend jusqu'à l'infini, et se perd au loin dans l'illimité.
Qu'elle s'accroîsse ou s'épuise, augmente ou diminue,
elle participe de ce qui est incommensurable.
S'élevant dans le ciel, elle devient pluie et rosée
et, retombant, elle humecte et arrose la terre.
Sans elle, les dix-mille êtres ne naîtraient pas
et les cents affaires ne seraient pas complétées.
Enveloppant largement la multitude des êtres,
elle est dépourvue de toute préférence.
Ses bienfaits s'étendent jusqu'aux insectes et aux vers,
mais elle n'attend aucune récompense.
Elle comble les cents noms de sa vertu sans être prodigue.
Tantôt son flot se gonfle sans limites,
tantôt elle set si ténue qu'elle devient insaisissable.
La roue-t-on de coups, elle ne porte aucune meurtrissure;
La fouette-t-on, elle ne subit aucune blessure;
La coupe-t-on, elle n'est pas sectionnée;
La soumet-t-on au feu, elle ne se consume pas.
Douce et accommodante, elle coule en épousant les contours,
et se ramifie en un réseau enchevêtré sans pour autant se disperser.
Sa finesse pénêtre la pierre et le métal et sa force porte le monde.
Elle se meut dans le territoire du sans-forme et s'élève en spirale au-delà de l'indistinct.
Tantôt elle serpente dans les vallées, tantôt elle déferle dans la plaine inculte des grands confins.
Selon sa surabondance ou son insuffisance, elle emprunte et redonne au ciel et à la terre.
Elle pourvoit les 10.000 êtres sans ordre de préséance et il n'y a pour elle ni domaine privé, ni domaine public.
Bouillonnante et débordante, elle forme une grande union avec le ciel et la terre.
Ne reconnaissant ni droite ni gauche, elle se ramifie et serpente en accompagnant les 10.000 êtres du commencement à la fin.
Aussi l'appelle-t-on vertu parfaite.
C'est d'être douce, accomodante et pénétrante que l'eau peut atteindre la perfection de sa vertu dans le monde.
C'est pourquoi Lao Dan *note dit:
"Le plus souple en ce monde est porté par le plus dur comme par un coursier rapide.
Le non-être pénêtre le sans-intervalle.
A celà, je reconnais l'avantage du non-agir"
(Huainan zi) (philosophes taoïstes - Pléïade tome2)
*note:Lao Dan: Lao zi ou Lao Tseu, dans le Daode jing
(parralèle avec dans le Cantique de frêre Soleil du "Poverello" les deux lignes de cette louange à la "Nature" en tant que création:)
"Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur eau,
qui est très utile et humble, et précieuse et chaste. ")
l'eau (suite)
raymond Queneau
Cycle de l'eau:
Au lever du jour
l'eau s'éparpille
l'herbe est constellée
de grains liquides
le temps de boire le café
l'H²O s'est envolée
chacun prend sa teinte jaune
brune ou mordorée
le blé cuit la sauterelle saute
le boeuf est altéré
on regarde dans un coin du ciel
un nuage peut-être torrentiel
il part sans s'être dégonflé
le soleil est bien fatigué
et c'est pourtant la nuit qui tombe
et le repos sur le monde
dans la nuit réapparaît
l'eau fraîche qui s'éparpille
le ciel est constellé
de grains liquides
Raymond Queneau: "Battre la campagne"
L'iode natif
Cendres violettes du varech
odeur de la naissance
peinte sur la grève
asseyons-nous un moment
on ne voit pas plus loin que l'horizon
tout se cache derrière soi
allons!
ces cendres réconfortent
le passant douloureux le long des mers mortes
qu'il reprenne joie
lorsque avance la vague dominée
comme est la grève abandonnée
avec cette odeur
R.Queneau "Fendre les flots"
3/le feu
(page à venir)
Le vent est instruit,
ne le surprenez-vous pas feuilletant le livre que vous avez laissé ouvert, comme offert à sa caresse?
Tous les sujets lui sont bons: poésie, mystique, philosophie, érotisme, revues diverses, même les journaux, les publicités et les emballages qu'il lit avec force démonstrations, rafales, roulés-boulés - lecture brouillonne - chutes balançées décrivant des courbes précises très harmonieuses (là c'est plutôt la lecture précise, lente, avec des lunettes pour voir les notes)
Christian Bobin? ou plutôt Francis Ponge (je ne suis pas sûr, texte retrouvé dans un ancien cahier de 1998) si vous savez, envoyez-moi un commentaire, je corrigerai
À tout vent:
Les champignons ont des chapeaux
grands comme des accordéons
ils se massent et végètent
en rond
ils croissent dans la nuit
lorsque coassent les grenouilles
ils arrivent impromptus
avec la rouille
demain demain il n'y aura plus
que poussière
ils sèment à tout vent
pour une année entière
ainsi la poudre de la vie
un jour revient au port
puis le poème jette ses spores
pour une autre vie
R.Queneau "battre la campagne"
Date de dernière mise à jour : 03/10/2018
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