Avec les sages des montagnes:
Nulle part je n' habite.
Je couche dans l'Absolu,
Je grimpe au Nirvana
Au temple du bois d'encens, je joue.
Le plus souvent, je fais sans faire.
Fortune et renom? Bulles d'illusion.
Si même l'océan se couvrait de mûriers,
Nos esprits ne sauraient se rencontrer.*voir note
CHE-TÔ(fin du VIe siècle)
Le ravin bleu est profond de mille ans,
Où seul habite un homme de la voie.
Les chevrons de son toit engendrent les nuages;
Fenêtres et portes accueillent les vents.
L'homme vit au val des Revenants;
Il se rince les oreilles à l'eau de la Ying. *(voir note 1)
Un vent du ciel vient du Sud-Ouest,
Qui ride la rivière en la couvrant d'écailles.
La fée le regarde en souriant,
et son sourire éclate comme le jade.
"Il n'est plus temps de t'entraîner en boitant:
L'essentiel est de connaître ta voie."
Le martin-pêcheur taquine l'orchidée
pour exalter la fraîcheur de son teint.
Un homme silencieux et paisible
effleure une corde claire en sifflotant.
Son esprit s'abandonne, il dépasse les nuages;
Mâchonnant une fleur, il boit à la cascade.
Il se promène au-dessus des pins rouges,
enfourche un cygne et chevauche les brumes mauves.
Dans sa main gauche, il tient le flot des collines;
A sa droite, il bouscule les grands précipices.
Les éphémères connaîtront-ils un jour
les années de la grue, les ans de la tortue? *(voir note 2)
-note 1: La tradition rapporte que Siu-yeou ("laisser-aller") qui venait du village des Sophoras près de Yang-tch'eng, aimait la libre-errance. Il se retira dans les marécages de P'ei où l'empereur Yao vint une première fois l'importuner en lui offrant de diriger l'empire. Dérangé dans sa solitude désabusée, Siu-yeou s'en alla au bord de la rivière Ying qui dévale les flancs du Pic Sacré central, précisément au pied de la pointe du Van (Ki-chan)? Où il cultivait un carré de terre. Cependant, Yao revint à la charge en lui proposant de régner sur les neufs régions de la Chine antique.Littéralement souillé par la parole du pouvoir, Siu-yeou se rinça les oreilles dans l'eau.
-note 2: longévité extrème ou même immortalité auxquelles aspirérent certains taoïstes.