D'un pas rapide, craignant d'être vue,
Ma mie se glissa jusqu'à moi
Elle ne portait pas le moindre bijou,
Ayant pour seule parure sa beauté.
Lorsque, transporté de joie,
Je lui offris une coupe de vin,
Celui-ci, jaloux, sur ses lèvres
Vira au rouge vif.
Nous bûmes immodérément jusqu'à ce que
Domptée par le breuvage,
Les yeux fermés, elle se laissât
Tomber en mon pouvoir.
En guise d'oreiller,
Je lui offris ma joue.
Mais elle trouva mon bras
Le plus doux des coussins.
Tandis qu'elle dormait contre moi
J'avais soif de ses baisers,
Mais par pudeur je n'osais
Étancher ma soif sur ses lèvres.
Tandis que ma mie, ma lune,
Dormait à mon côté, au-dehors
La pleine lune s'était cachée.
L'obscurité enveloppait le ciel.
Étonnée, la nuit s'écria :
Qui donc m'a volé ma lune?
Elle ignorait que la lune,
Je la tenais dans mes bras.
(Ibn al-Abbar)
Quelqu'un m'a demandé mon âge
après avoir vu la vieillesse grisonner sur mes tempes
et les boucles de mon Front.
je lui ai répondu: "une heure!"
Car en vérité je ne compte pour rien
le temps que j'ai par ailleurs vécu.
Il m'a dit :" Que dites vous là? Expliquez-vous.
Voilà… bien la chose la plus émouvante."
Je dis alors:
"un jour par surprise, j'ai donné un baiser,
un baiser furtif, à celle qui tient mon coeur.
Si nombreux que doivent être mes jours,
je ne compterai que ce court instant,
car il a été vraiment toute ma vie."
Ibn Hazm (écrivain andalou/X-XIème siècle) "Le collier de la colombe"