Djalâl-ud-Dîn Rûmi dit Mavlânâ (le maître)
Tu est pour moi l'âme et le monde. Que ferais-je de l'âme et du monde?
Tu est pour moi un trésor répandu.Que ferais-je du gain et de la perte?
Un temps je suis l'ami du vin, un temps l'ami des viandes grillées.
Puiqu'en ce cycle je suis en ruine, que ferais-je du cycle du temps?
Par toutes gent je suis effrayé, de tous je me suis libéré.
Ni ne me cache ni ne me trompe: que ferais-je de l'être et du lieu?
De m'unir à toi je suis ivre, je n'ai en tête aucune créature.
Puisque pour toi je suis la proie et le gibier, que ferais-je de la flèche et de l'arc?
Puisque je me trouve au profond du ruisseau, puisque je coule, pourquoi chercherais-je de l'eau?
Que pouvoir dire, que dirais-je de ce ruisseau qui coule?
Puisque j'ai délaissé l'existence, pourquoi porter la charge de la montagne?
Puisque pour moi le loup est devenu berger, pourquoi supporter la caresse du berger?
Quel bien est-ce d'aimer! quelle ivresse! car la coupe est au creux de la main!
Heureux l'endroit où tu te tiens, bonheur cela pour les yeux de l'âme.
Par toi chaque molécule est un monde, par toi chaque goutte comme est une âme
Car celui qui de toi a trouvé signe, que ferait-il du nom et du signe?
Le pays de la perle parfaite est au fond de la mer des réalités effectives.
Lorsqu'il faut plonger tête la première, que ferais-je des pieds et de leur course?
Par l'arme de ton unité, tu nous as coupé le chemin, tout mon linge tu as pris.
Que donnerais-je à toi qui perçoit le tribu?
Par la beauté, semblable à la lune éclatante, par la courbe de la boucle enroulée
Mon coeur est devenu léger. Âme! donne cette lourde coupe.
Ce monde est une prison, et nous sommes les prisonniers:
Creusez un trou dans la prison, évadez-vous.
A l'instant où tu es venu au monde, une échelle est devant toi.
Cette ascension n'est pas celle d'un homme vers la lune
mais celle de la canne à sucre vers le sucre.
La naissance de l'enfant
déchire le sein maternel
La naissance de l'homme
déchire l'univers
Tout est un, la vague et la perle,
la mer et la pierre.
Rien de ce qui existe en ce monde
n'est en dehors de toi.
Cherche bien en toi-même
ce que tu veux être puisque tu est tout.
L'histoire entière du monde sommeille
en chacun de nous.
Extraits de :"Soleil du réel/poèmes d'amour mystique /Jalâloddîn Rûmî
Imprimerie Nationale Traduction du persan et présentation: Christian Jambet